15Bleu-de-Prusse15-

Perte choquante, inattendue. Une odeur de feuilles ocres, mortes. Puis un feu de bois. Les cendres, déversées dans la Somme. Quelques poussières, tout au plus. Ironique coup de théâtre. J'aurais aimé lui déposer un billet, entre deux pierres, juste quelques mots, à l'encre bleu de Prusse, qui se seraient évanouis avec la pluie automnale. Comme une dernière douce parole, pour remercier. De simples mots, que l'on ne prononce pas assez.

Je me suis levée ce matin -plutôt ce midi- avec le poids d'une semaine éprouvante. Je m'éveille d'une nuit de songes gris. Un matin désagréable, qui ne donne ni envie de se lever ni de rester couché. Toute envie annihilée et un moral brisé. Je n'arrive pas à penser plus loin que demain, à faire autre chose que pleurer. N'importe où, n'importe quand. Les larmes coulent sans cesse et sans raison, ce qui ne les empêche pas d'être. Je veux trouver refuge dans un sommeil que je n'arrive a trouver. Le cœur trop retourné, je m'en vais regarder un de mes films "cathartiques", histoire de déprimer davantage, pourvu que ce surplus de tristesse sorte. Je larmoie en regardant tomber la pluie, un spectacle qui m'apaise, une tisane entre les mains, mais je ne me réchauffe pas, j'ai le visage trop humide, le cœur trop las. Je suis impuissante, je n'arrive soudain plus à m'exprimer. Je voudrais tant être aidée, mais comment cela se pourrait, si moi-même je peine à me comprendre. La mutilation redevient une évidente solution. Le suicide, une entêtante chanson.

Elle s'étiole, s'amenuise, elle dégringole. 5kg en moins ce mois-ci, jusqu'où cette chute se poursuivra-t-elle ? Car la maigreur nargue, mais elle se sent encore capable de ne pas l'écouter. Le stress coupe la faim, l'angoisse puise l'intégralité de son énergie, l'absorbe comme un met raffiné. Elle défaille, mais se relève. Ses joues se creusent, ses côtes se dessinent une à une, son ventre est comme aspiré. Elle s'affaiblit. Elle refuse toujours de choisir la facilité. Elle continue donc à ignorer cette petite voix tentatrice. Ses vêtements sont un peu grands pour elle maintenant. Elle perd une taille, puis deux mais n'abandonne pas ce combat avec elle-même. A regret, elle dépose les bagues qu'elle aimait tant, ses doigts se sont trop affinés. Elle n'a plus le droit d'être coquette; et bientôt d'être féminine. Elle se force à avaler quelque chose, mais c'est une torture, son corps s'y oppose voilement. Les nausées, c'était du passé. Rien qu'un désagrément matinal, avant d'aller au lycée.

Le défaut de mon cœur c'est qu'il est vide. Alors il s'emplit avec ce qu'il peut, avec ce qui lui tombe sous la main, et ce qu'il a trouvé de plus délicieux c'est la mélancolie. De plus mon cœur est boulimique,  alors il se gave de toutes les émotions environnantes et de toute la tristesse possible jusqu'à ce qu'il ne puisse plus rien avaler et rejette tout violemment.

Cette angoisse des cours qui ne me quitte pas. Pourquoi le lycée m'angoisse-t-il à ce point ? Déjà le collège m'avait valu maintes crises d'angoisse. Ces moments de panique où le cœur s'accélère, où tout le corps se crispe, on suffoque, commence à pleurer. Tout ce monde, et aucune issue. La tête commence à tourner, la température à grimper. A cet instant on veut juste fuir, loin de toute cette angoisse. Mais elle nous suit, nous rattrape. Jusque chez moi elle vient me taquiner. Mais d'où vient cette peur ? Je ne saurais le dire. La moindre évocation du lycée me rend malade. Je n'en dors plus. Pour moi, fin de vacances et reprise riment avec insomnies et insomnies avec anxio. Au bout de quatre nuits cumulant chacune trois à quatre heures de sommeil, je me décide à prendre un comprimé. Mes paupières s'alourdissent, j'ai beaucoup de mal à me concentrer, ma tête devient lourde, je suis apathique, calme mais cependant encore angoissée. Seulement le sommeil ne vient toujours pas. Au réveil et jusque deux heures après, j'ai incroyablement de mal à émerger et à rester éveillée. La journée recommence...